"L'Académie Julian" de Marie Bashkirtseff : Fenêtre sur l'éducation artistique du XIXe Siècle

Dans le tourbillon effervescent de la scène artistique du XIXe siècle à Paris, l'Académie Julian se distingue comme un phare de l'éducation artistique. Fondée par le peintre français Rodolphe Julian en 1866, cette institution a façonné le paysage culturel de son époque en formant certains des artistes les plus renommés de leur génération. Parmi ces artistes se trouve Marie Bashkirtseff, dont l'oeuvre témoigne à la fois de son talent et de son immersion dans l'environnement foisonnant de l'Académie Julian.

Marie Bashkirtseff - L'Académie Julian - 1881 - Huile sur toile 188 x 154 cm - Dnipropetrovsk State Art Muséum Dnipropetrovsk (Ukraine)
Marie Bashkirtseff - L'Académie Julian - 1881 - Huile sur toile 188 x 154 cm - Dnipropetrovsk State Art Muséum Dnipropetrovsk (Ukraine)

L'Académie Julian : Un Phare de l'Éducation Artistique

Fondée en 1866 par le peintre français Rodolphe Julian, l'Académie Julian a marqué l'histoire de l'éducation artistique du XIXe siècle. Ce qui a commencé comme un modeste atelier dans un immeuble du passage des Panoramas est rapidement devenu un centre d'excellence pour les jeunes talents artistiques de l'époque. Sous la direction de Julian, l'Académie a non seulement offert un enseignement de qualité, mais elle est également devenue un creuset de diversité artistique.

En effet, dès 1876, l'Académie Julian a ouvert ses portes aux femmes, offrant ainsi une alternative précieuse et nécessaire à l'École des beaux-arts, qui leur était alors fermée. Cette ouverture a permis à de nombreuses artistes femmes de développer leur talent dans un environnement stimulant, propice à la créativité et à l'expression artistique. Guidées par des enseignants éminents tels que William Bouguereau et Jean-Paul Laurens, ces femmes ont trouvé à l'Académie un refuge où leurs aspirations artistiques pouvaient enfin s’épanouir.

Malgré quelques scandales et controverses, l'Académie Julian a maintenu son statut d'institution de premier plan dans le monde de l'art. Elle a servi de tremplin à de nombreux artistes aspirant à exposer dans les Salons ou à poursuivre une carrière artistique. Même après le décès de Rodolphe Julian en 1907, son épouse Amélie Beaury-Saurel a veillé à ce que l'héritage artistique de l'Académie perdure, perpétuant ainsi son influence sur les générations futures.

L'Académie Julian - Paris - 1885
L'Académie Julian - Paris - 1885

Marie Bashkirtseff : Une Artiste Visionnaire

Le 24 novembre 1858, dans le petit village de Gavrontsi, niché près de Poltava en Ukraine, naît Maria Konstantinovna Bashkirtseva.

Dès son plus jeune âge, Maria, plus tard connue sous le nom de Marie Bashkirtseff, trouve refuge dans l'art. Ses premières années sont marquées par des voyages à travers l'Europe en compagnie de sa mère, échappant ainsi aux tourments domestiques. C’est à l’âge de 12 ans qu’elle quitte son pays natale, et s’installe définitivement à Nice en 1870. 

Ces pérégrinations laissent une empreinte sur son esprit, nourrissant son amour pour la peinture et la littérature, des passions qui façonneront le cours de sa vie.

Mais c’est à Paris, l’un des berceau de l'effervescence artistique, que Marie pose finalement ses valises. En 1877, elle franchit les portes de l'Académie Julian, institution où elle aura le privilège d'étudier sous la direction de Tony Robert-Fleury. 

Dans cet environnement fécond, elle se lie d'amitié avec des artistes éminents tels que Louise Catherine Breslau, élargissant ainsi ses horizons et nourrissant son ambition dévorante.

Pour Marie, l'Académie Julian devient donc un sanctuaire, un lieu où son talent peut fleurir et s'épanouir loin des contraintes de sa famille et des conventions sociales restrictives. C'est là, entre les murs chargés d'histoire, qu'elle puise l'inspiration nécessaire pour tracer sa propre voie dans le monde de l'art, bravant les obstacles avec une détermination.

ECOUTER LE PODCAST : « Marie Bashkirtseff et l'Héritage d'une Vie Trop Courte » 

Son oeuvre "L'Académie Julian" témoigne de son attachement à cette institution et de son désir ardent de s'y immerger pleinement.

« Marie se voit soumettre par Julian un projet qui ne fait guère honneur à la pédagogie de celui-ci. Prétextant qu’elle doit exposer au Salon un tableau original, il lui suggère de représenter un coin de l’atelier avec trois personnages grandeur nature. » - Colette Cosnier, « Marie Bashkirtseff - Un portrait sans retouches », Editions Pierre Horay.

Décryptage de l’Oeuvre

Dans l’oeuvre "L'Académie Julian", Marie Bashkirtseff parvient à capturer avec maestria l'essence même de cet atelier d'art emblématique. Les couleurs vives et les touches dynamiques de la peinture ne sont pas simplement des éléments esthétiques, mais plutôt des vecteurs qui transmettent l'énergie et l'effervescence qui règnent au sein de l’Académie. Et plus précisément dans l’atelier des femmes. 

Marie Bashkirtseff - L'Académie Julian - 1881 - Huile sur toile 188 x 154 cm - Dnipropetrovsk State Art Muséum Dnipropetrovsk (Ukraine)
Marie Bashkirtseff - L'Académie Julian - 1881 - Huile sur toile 188 x 154 cm - Dnipropetrovsk State Art Muséum Dnipropetrovsk (Ukraine)

Dans son huile sur toile de 188 x 154 cm réalisé en 1881, et aujourd’hui présente à Dnipropetrovsk State Art Muséum Dnipropetrovsk (Ukraine), l’artiste capture une scène vivante d'un cours à l'Académie Julian à Paris. 

Au premier plan à droite, l'artiste se représente de dos, soulignant ainsi son immersion dans cet environnement éducatif. À travers son œuvre, elle met en lumière l'audace de l'époque, illustrée par la présence d'un jeune garçon posant à demi-nu. Cette pratique, considérée comme révolutionnaire pour l'époque, témoigne de la volonté de l'Académie Julian de repousser les limites traditionnelles de l'art et de l'enseignement artistique.

Les femmes, au centre de l'attention de l'artiste, sont représentées en train de suivre le cours avec sérieux, concentration et échange. Leur présence témoigne de la progression de l'égalité des sexes dans le domaine de l'art, malgré les obstacles sociaux et culturels de l'époque. Les couleurs vives et les détails soignés de la toile captent l'énergie et l'enthousiasme qui régnaient dans cet espace d'apprentissage créatif.

Au-Delà de l'Image : Histoire et Héritage

"L'Académie Julian" de Marie Bashkirtseff ne se limite pas à être un simple tableau représentant une institution artistique. C'est bien plus que cela : c'est un témoignage visuel de l'évolution des femmes artistes au XIXe siècle, de leur lutte pour obtenir reconnaissance et respect dans un monde dominé par les hommes. 

Cette œuvre emblématique nous plonge au cœur d'une époque où les femmes cherchaient à briser les chaînes de la marginalisation et à revendiquer leur place légitime dans le domaine de l’art.

À travers les couleurs vibrantes et les détails minutieusement rendus, Bashkirtseff célèbre le courage et la détermination des femmes qui ont franchi les portes de l'Académie Julian pour poursuivre leur passion artistique. Elle illustre l'importance cruciale de ces institutions éducatives ouvertes à tous, où le talent pouvait s'épanouir sans être entravé par les barrières sociales ou les préjugés de genre.

Son œuvre rappelle avec éloquence que l'art n'a pas de genre, que la créativité ne connaît pas de limites et que le talent transcende les frontières imposées par la société.

Anne Larue dans son ouvrage « Histoire de l’Art d’un nouveau genre », aux éditions Max Milo, écrit :

« … l’Académie Julian est une école payante et coûteuse; on réserve aux femmes le dernier étage, accessible par un étroit escalier sous les toits. Le local est étouffant l’été et glacé l’hiver. Il cantonne les femmes aux petits formats, les grands tableaux ne passent tout bonnement pas par l’escalier. Marie Bashkirtseff, dans son tableau L’Académie Julian, montre l’entassement des chevalets, le manque d’espace, mais aussi les femmes au travail et un jeune modèle masculin qui, sinon nu, du moins n’est vêtu que d’une sorte de pagne de berger grec et laisse voir son corps. L’habile message de la pictoresse, pour être atténué par le pagne et la jeunesse du modèle, n’en est pas moins audacieux. A l’Academie Julian, les femmes disposent de modèles, y compris masculins ! Ce tableau de Marie Bashkirtseff, tout comme la brève carrière de la dite pictoresse, morte à 25 ans de tuberculose, est une page de l’histoire du féminisme aux temps héroïque. »

Ainsi, "L'Académie Julian" de Marie Bashkirtseff demeure un symbole puissant de résilience et d'espoir pour les générations futures d'artistes, rappelant que chaque coup de pinceau est une affirmation de l'individualité, de la liberté et de la quête éternelle de beauté et de vérité dans le monde de l'art.

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