Zineb Sedira : Entre histoire, mémoire et transmission.

Depuis le 23 avril et ce jusqu’au 27 novembre 2022, se déroule la Biennale de Venise. Cette année, nous pouvons y découvrir le travail de Zineb Sedira. Qui devient la troisième femme et la toute première franco-algérienne, à représenter le Pavillon français.  Pour cette 59e Biennale, l’artiste Zineb Sedira présente avec « Dreams have no titles » - « Les rêves n’ont pas de titre », ce qu’elle sait faire de son art : parler d’identité et de mémoire. Accompagnée dans la sélection de ce Pavillon par Yasmina Reggad, Sam Bardaouil et Till Fellrath. Elle nous invite à nous interroger sur notre époque et notre expérience, en y présentant un film, qui cette fois raconte la France, l’Italie et l’Algérie des années 60. Une façon pour elle de « rendre hommage aux individus et aux communautés qui ont utilisé le potentiel du cinéma pour mettre en évidence le joug de la colonisation ». Zineb Sedira, présente d’autres sujets en lien avec son histoire, qui résonnent avec tant d’autres, en travaillant la vidéo et la photographie. Une artiste dont il faut connaitre le parcours afin de, comprendre le sens de son art.  Par ART au féminin.

Zineb Sedira à l'IVAM
Zineb Sedira à l'IVAM

L’art de l’artiste Zineb Sedira puise toute sa force dans son expérience personnelle, nourri par trois pays : l’Algérie, la France, et l’Angleterre.

Tout commence par l’Algérie, pays meurtri par une guerre qui aura durée 8 années (1954 - 1962), pays de naissance de ses parents qui luttèrent pour l’indépendance de ce pays, avant de migrer vers la France (Gennevilliers) pendant les années 1960, pour offrir un meilleur avenir à leurs enfants. 

C’est donc à Gennevilliers, un an après l’indépendance de l’Algérie, en 1963 que Zineb Sedira vient au monde. En France, elle va cultiver sa passion pour le cinéma, tout en ayant conscience de sa force : la différence culturelle

En 1986, elle quitte la France pour l’Angleterre afin d’y poursuivre sa formation artistique. Elle intègre à Londres, la Central Saint Martins College of Art and Design et le Royal college of Art. Ses professeurs l’encourage à cultiver cet art en lien avec son histoire.

Depuis, l’artiste Zineb Sedira habite Londres, tout en travaillant en France et en Algérie. Son art est aujourd’hui exposé dans le monde entier. 

The Lovers I,II, III - 2008
The Lovers I,II, III - 2008 © Zineb Sedira

« Venant d’une famille d’origine algérienne, née pendant la colonisation, je me suis tout de suite intéressée aux questions post-coloniales. (…) j’ai voulu raconter, mais aussi transmettre, cette expérience à mes enfants et je me suis demandé comment leur faire connaître cette identité algérienne et française. À Londres, mes références étaient des artistes issus de l’immigration, souvent d’origine afro-caribéenne, indienne ou pakistanaise, que je rencontrais durant mes cours d’art. Avec eux, je pouvais comparer mon vécu au leur, mais aussi découvrir une histoire à la fois similaire et différente, où nos récits se rejoignaient. J’ai eu une chance inouïe de pouvoir travailler en Angleterre qui est reconnue pour son côté précurseur sur les théories post-coloniales. » Zineb Sedira.

C’est ainsi que depuis le début de sa carrière artistique, Zineb Sedira va rester fidèle à son art qu’elle veut identitaire, en travaillant sur l’histoire, la mémoire et la transmission. Et en se définissant comme une « gardienne d’images » et donc "gardienne de la mémoire" (En référence à son exposition de septembre 2010).

C’est ce qu’elle propose aussi dans l’une de ses oeuvres « Mother tongue » - « Langue maternelle » (2002)

Monther Tongue - 2002
Monther Tongue - 2002 © Zineb Sedira

À travers un triptyque de 5 minutes réunissant trois écrans plasma, 27’’, accompagné de 3 casques, nous pouvons y découvrir trois visages, symbole de trois générations de femmes : La grand-mère (mère de l’artiste), la fille (l’artiste Zineb Sedira), et la petite-fille (fille de l’artiste). Chacune s’exprime ici dans sa langue maternelle.

Sur le premier écran, Zineb Sedira parle français avec sa mère qui lui répond en arabe.

Sur le second écran, Zineb Sedira échange cette fois avec sa fille. L’artiste parle français avec sa fille qui lui répond en anglais

Sur le troisième et dernier écran, La petite-fille parle anglais et la grand-mère arabe. Ni l’une, ni l’autre n’arrive à comprendre ce que l’autre veut dire. On peut lire dans les yeux une forme de tristesse à travers cette incompréhension. C’est avec cette rupture issue de l’immigration que se trouve toute la force du message, que l’artiste souhaite véhiculer à travers son oeuvre. 

Lors de son exposition « L’espace d’un instant » (du 15 octobre 2019 au 19 janvier 2020) au Jeu de Paume de Paris, Zineb Sedira déclare que « Nous ne pouvons pas avancer dans le futur sans avoir bien compris son passé. » Et ajoute que «  Ça part toujours du personnel ou de l’autobiographique et ça s’ouvre vers le collectif et l’universel. ». Voilà donc toute la force du message que l’artiste souhaite véhiculer à travers son art.

Elle va même plus loin en devenant en 2011 la fondatrice d’une résidence d’artistes à Alger. Avec Aria (Artist résidence in Algiers), elle souhaite faciliter le développement d’idées liées au contexte algérien. Et ainsi offrir aux artistes de mener des recherches tout en produisant des oeuvres. Son souhait : faire connaitre ces artistes. 

Les rêves n'ont pas de titre - Dreams have no Titles - Zineb Sedira - Biennale de Venise 2022
Les rêves n'ont pas de titre - Dreams have no Titles - Zineb Sedira - Biennale de Venise 2022

Aujourd’hui, en devenant la troisième femme et la toute première franco-algérienne a être locataire du Pavillon français de la 59e Biennale d’art contemporain de Venise, l’artiste propose ce qu’elle sait faire à travers « Dreams have no titles » - « Les rêves n’ont pas de titre ». Ainsi, elle nous invite à nous interroger sur notre époque et notre expérience, en y présentant un film, qui cette fois raconte la France, l’Italie et l’Algérie des années 60. Une façon pour elle de « rendre hommage aux individus et aux communautés qui ont utilisé le potentiel du cinéma pour mettre en évidence le joug de la colonisation ».

Du 24 septembre 2022 au 08 janvier 2023, vous pouvez aussi découvrir l’art de la talentueuse Zineb Sedira, "Can’t you see the sea changing? » - «  Ne voyez-vous pas la mer changer ? », une exposition en collaboration entre De La Warr Pavilion, Bexhill-on-Sea et Dundee Contemporary Arts. En Angleterre,

>> Autres expositions :

2023 : Dundee Contemporary Arts, Royaume-Uni (à confirmer)

2024 : Debout ici, se demandant quelle direction prendre, Musée Calouste Gulbenkian, Lisbonne (oct.)

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Aldjia ART au féminin le podcast

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