Vers 1559, Lavinia Fontana rencontre une enfant du nom de Antonietta Gonsalvus, afin de réaliser son portrait. La jeune fille d’une dizaine d’années, est atteinte d’hypertrichose. Cette maladie génétique est à l’origine de sa pilosité « anormale ».
Au-delà de cette pilosité, nous pouvons visualiser plusieurs autres choses sur ce portrait, à commencer par le regard plein de tendresse. Ici, l’artiste de par son expérience de portraitiste donne une toute autre dimension à cette toile : la bienveillance.
Antonietta Gonsalvus, est vêtue d’une jolie robe brodée, et coiffée d’une parure élégante, signe de la culture de cette époque.
Dans ses mains, elle tient une lettre manuscrite. Sur celle-ci, elle nous raconte une partie de son histoire :
« Don Pietro, a wild man discovered in the Canary Islands, was conveyed to his most serene highness Henry the king of France, and from there came to his Excellency the Duke of Parma. From whom [came] I, Antonietta, and now I can be found nearby at the court of the Lady Isabella Pallavicina, the honourable Marchesa of Soragna. »
« Don Pietro, un homme sauvage découvert dans les iles Canaries, a été transporté chez son altesse sérénissime Henri, roi de France, et de là chez son excellence le Duc de Parme. C’est de lui que je suis issue, Antonietta, et que l’on me trouve aujourd’hui à la cour de Dame Isabella Pallavicina, l’honorable Maréchale de Soragna. »
Une vie ne pouvant être résumée en quelques lignes, il nous faut en savoir plus sur Antoinetta Gonsalvus, dite Tognina Gonsalvus, ou encore Antoinetta Conzalves - Conzales.
L’histoire commence par son père, Pedro Gonzales, né vers 1537 à Tenerife dans les Iles Canaries. Alors qu’il n’a que 10 ans, il est offert à Henri II (1519-1559) sacré roi de France en 1547. Selon les historiens, c’est lors de son sacre que l’enfant fut offert, tel une « bête curieuse », dont la possession était à l’époque considéré comme prestigieuse.
En effet, Pedro Gonzales, était atteint d’une maladie du nom d’hypertrichose. Sa particularité : Une Pilosité envahissante (terme issu du grec hyper = avec excès / thrix = poils), appelé « syndrome d’Ambras » jusqu’à la fin du XIXe siècle. Une maladie génétique, qui lui valut le surnom de « sauvage » au début de sa vie.
Pedro Gonzales devient Petrus Gonsalvus, et bénéficie de la même éducation que les nobles, en étant sous la protection du roi.
À la mort du roi Henri II, en juillet 1559. La reine Catherine de Médicis (1519-1589), décide de marier Petrus à Catherine Raffelin, qui découvre son futur époux le jour même du mariage.
Néanmoins, ils auront sept enfants ensemble. Quatre des enfants sont atteints de la même maladie que leur père. Sur ces quatre enfants atteints d’hypertrichose, Antonietta en fait partie.
Pouvons nous y percevoir une forme d'expérience génétique ? Sans consentement ? Dans un but de recherches et d’évolutions scientifiques ? La théorie est tout à fait possible. D'autant plus que la famille avait un statut d'objet.
Le couple Petrus / Catherine aurait d’ailleurs aussi, inspirés le conte « la Belle et la Bête » publiée en 1740 par Gabrielle-Suzanne Barbot de Villeneuve, devenu un film d’animation produit par Disney en 1991.
En janvier 1589, la reine Catherine de Médicis rejoint son époux dans sa tombe. Le décès de cette dernière plonge les Gonsalvus en disgrâce. La famille se retrouve sous la tutelle du duc italien, Ranuce de Farnèse (1569-1622). Et c’est ainsi, comme écrit sur sa lettre (portrait réalisé par Lavinia Fontana) que la jeune Antoinetta Gonsalvus, va être offerte à Isabella Pallavicina, subissant ainsi le même sort que son père.
Bien que l’artiste Lavinia Fontana aie dressé un portrait harmonieux et plein de tendresse de la jeune fille, nous ne pouvons savoir si Antonietta fut réellement heureuse.
Tout comme son père, nous ne connaissons pas l’année de sa mort. Peux être ont-ils été inscrits dans un autre registre, comme celui de Joris Hoegnagel dans son livre d’esquisses, comme espèce animale ?
Aujourd’hui, des tableaux prouvent l’existence de la famille Gonsalvus, nous permettant ainsi de nous intéresser à leur histoire. Des tableaux offert par exemple à l’archiduc d’Autriche Ferdinand II (1578-1637) collectionneur de curiosités, que nous pouvons admirer au château d’Ambras. Des oeuvres qui ont fait en sorte de faire évoluer la science. Mais à quel prix ?