« Perpendiculairement au boulevard de Clichy, Geneviève s’engage dans la rue Germain-Pilon et pénètre dans un immeuble de quatre étages. La cage d’escalier est exiguë, humide et obscure. Au dernier palier, derrière la porte de droite, des rires de femmes …
- Z’êtes qui ?
- Geneviève Gleizes. De la Salpêtrière.
- Oh
- Entrez
Lorsque les deux femmes pénètrent dans le salon, la plus jeune du groupe reconnaît Geneviève … dans la cuisine rustique éclairée par quelques bougies, l’adolescente de dix-sept ans prépare du café sur un petit feu. Il y a plus d’un an, Jeanne dormait dans le dortoir avec les autres aliénées … » - Passage du livre - Le bal des folles - Victoria Mas.
Ici, et à travers plusieurs lignes, l’autrice fait référence à Jane Avril. Cette dernière ne fait plus partie des patientes de la Salpêtrière, elle fait partie des rares femmes a avoir quitté cet endroit, à vivre hors de ces murs, a refaire sa vie,
Ces lignes témoignent aussi de la nouvelle vie de la jeune femme, essayant de se faire une place dans un monde qui l’ouvre à ce qu’elle aime le plus : La danse !
Mais avant de devenir Jane Avril, il faut savoir que Jeanne Louise Beaudon n’a pas toujours été faite de danses sportives, joyeuses, enthousiasmés et enthousiasmantes.
Jeanne Louise Beaudon,
vient au monde à Paris le 9 juin 1868. Fille de l’italien marquis Luigi Fontana, un homme raffiné, artiste, d’une extrême sensibilité. Et d’une mère, Parisienne, qui comme Jane va le dire dans ses mémoires est doté d’une grande beauté qui dissimulait une nature de méchanceté cruelle et morbide.
Après deux ans de relation, ses parents se séparent. C’est ainsi qu’elle est confiée à ses grands-parents maternelle, avant d’être placée à l’âge de cinq ans dans un couvent de la ville. Jeanne Louise Beaudon se sens bien dans ce couvent, les religieuses sont aux soins, elle se sens aimée.
Quand à l’âge de neuf ans, sa mère souhaite qu’elle vive à ses côtés. La tristesse s’installe alors. L’enfant est malheureuse, terrorisée, et angoissée.
« Joignant le reste à la parole, avec ou sans le moindre prétexte, elle me frappait cruellement et cela plusieurs fois la journée; évitant toute fois de me marquer au visage par crainte de traces visibles qui auraient pu éveiller les soupçons de notre entourage. Par contre, le reste de mon individu était illustré de toutes les couleurs du prisme et sa signature. » - Jane Avril - Mes Mémoires
Sa mère fréquente à cette période, un homme (M.Hutt). Lui, souhaite aider cette mère et sa fille. Il propose de payer les frais de l’éducation de Jeanne, il voulait qu’elle s’ouvre au chant et la musique. Malheureusement, sa maternelle met fin à cela.
C’est le retour à la case départ pour Jeanne, subissant une nouvelle fois les violences de sa mère. Elle décide de mettre fin à cette relation toxique. Elle fuit.
C’est ainsi que M.Hutt, et son épouse lui viennent en aide. Ils décident de la faire admettre Jeanne à la Salpêtrière.
« Mes bienfaiteurs étaient liés d’amitié avec le célèbre neurologue, le Dr Magnan. Celui-ci me fit admettre à la Salpêtrière dans le service du grand professeur Charcot parmi les grandes étoiles de l’hystérie qui, à ce moment-là, faisaient fureur. » - Jane Avril - Mes Mémoires
Elle se retrouve dans le service des femmes alors qu’elle n’est qu’une enfant. Elle préfère. C’est mieux que de subir les violences de sa mère, avant que le Dr Charcot décide qu’elle n’est pas / plus malade.
« Hélas ! Je fus guéries ! »
Lasse de cette vie, et la peur de devoir vivre avec sa mère, Jeanne Louise Beaudon décide de s’enfuir. Elle souhaite mettre un terme a sa vie. Cette fois c ’est la bonne !
Naissance d'une danseuse !
Lors de sa fuite, sur la route, rue de Médicis, un ivrogne lui emboite le pas. Effrayée, elle presse le pas, se retrouve au coin de la rue Cujas. Des dames lui viennent en aide, elles l’accueillent, l’une d’elle lui offre le gite et le couvert pour la nuit.
C’est à partir de ce soir là que d’autres portes s’ouvrent pour la jeune Jeanne. Ces femmes fréquentent le Bal Bullier.
« J’avais à rattraper toute ma jeunesse et la dépenser ! De ce fameux soir date ma vocation de danseuse, ma seule raison d’être désormais … On fait comme on le peut son entrée dans le monde. » - Jane Avril - Mes Mémoires
Elle fait ses premiers pas, autour d’elle des ami(e)s, des protecteurs, des écrivains, des poètes, des artistes. Elle va voyager en vivant de son art, ce don inné : La danse !
D’autres portes s'ouvrent à elle, notamment celles du célèbre Moulin Rouge. Elle s’impose et impose de porter le rouge (C’est à ce choix que l'on doit la tradition d'une robe rouge portée par la soliste de revue), C'est elle qui exportera au début du XXe siècle le French Cancan dans les principales capitales européennes, au Palace Théâtre de Londres comme à Madrid.
Henri de Toulouse - Lautrec
Elle fait bientôt partie du petit groupe des amis de Henri de Toulouse Lautrec (1864-1901). Entre le peintre et la danseuse, il y a une véritable complicité. Jane Avril, admire le talent de l’artiste.
Ce dernier lui rend hommage en la faisant figurer sur le numéro 1 de la revue « L’Estampe originale »
« Il est hors de doute que c’est à lui que je dois la célébrité dont j’ai joui depuis la parution de la première affiche qu’il a faite de moi. » - Jane Avril
En 1935, alors qu’elle a 67 ans, elle continue de danser, cette fois c’est la dernière. Elle rejoint une maison de retraite et décède à 74 ans, le 17 janvier 1943, son corps repose au cimetière du Père-Lachaise.
>> Film et lectures :
> À voir
"Le Bal des folles" - Film de Mélanie Laurent - 17 septembre 2021 sur Amazon Prime Vidéo
> À lire :
"Le Bal des folles" de Victoria Mas - éditions Livres de poches
"Mes Mémoires" - Jane Avril - éditions l'Escalier
"Jane Avril au Moulin Rouge avec Toulouse Lautrec" - François Caradec - éditions Fayard
Toulouse Lautrec - Matthias Arnold - éditions Taschen