L'arte povera et ses débuts
L'arte povera, mouvement artistique émergé en Italie à la fin des années 1960, se caractérise par l'utilisation de matériaux simples et quotidiens. Ce courant contestataire qui a vu le jour à Turin, ville natale de Marisa Merz, en 1926 avait pour but de défier l’industrie culturelle et plus largement la société de consommation.
Diplômée d'architecture, Marisa rencontre son futur mari, Mario Merz, une des figures emblématiques de l'Arte povera, au cours de ses études. Elle débute sa carrière artistique en exposant ses premières œuvres en 1967, faisant de sa propre maison un espace d’exposition. L’une de ses oeuvres de l’époque (sa hotte de cuisine) est exposées au Musée du LaM.
« Il n’y a jamais eu de séparation entre mon travail et ma vie » - Marisa Merz
L'œuvre de Marisa Merz : Matières et Poésie
Marisa Merz s'est rapidement démarquée par son utilisation novatrice de matériaux tels que l'aluminium, le cuivre, le nylon, et plus tard la cire et la paraffine. En appliquant des techniques comme le tissage et la couture à ces matières industrielles, elle a créé des œuvres délicates et aériennes, imprégnées d'une dimension poétique.
« À la fois au cœur et en marge de l’Arte povera, elle maîtrise certains de ses codes et enjeux - l’intérêt pour les matières brutes, la relation de la sculpture à l’espace, et de l’art à la vie - tout en développant une position sensiblement autonome, produisant pendant plus de cinquante ans une œuvre résolument ouverte. » - Introduction Sébastien Delot, Grégoire Prangé, Andrea Viliani - Catalogue de l’exposition - Marisa Merz - Ecouter l’espace
Parmi ses premières œuvres marquantes, les sculptures vivantes constituées de feuilles d'aluminium, suspendues dans l'espace domestique, vont haut de la de leur matérialité afin d’explorer les interactions entre l'espace intime et l'espace public. Cette exploration se poursuit avec des installations où des objets disparates se rencontrent dans des agencements oniriques, transformant ainsi le quotidien en une expérience esthétique profonde et méditative.
L’exposition, organisée en six étapes, débute par ses nombreux visages modelés en cire ou en argile, recouverts de pigments, de feuilles d'or et de trames de cuivre, ou encore dessinés sur divers supports comme des planches de bois ou des feuilles de papier. Comme des figures hybrides, et éthérées, sans identité distincte, parfois clairement féminines.
Ces œuvres, comme le souligne le catalogue de l'exposition, possèdent la même incertitude dynamique et le même pouvoir d'attraction que celles des artistes Medardo Rosso ou Constantin Brâncusi. En plongeant ses racines dans l’histoire de la peinture, Marisa Merz parvient à conserver une identité artistique unique et profondément personnelle. Une identité entre matière et poésie.
La dimension humaine et intime
Les œuvres de Marisa Merz sont profondément imprégnées de sa vie personnelle, notamment de sa relation avec sa fille Béatrice. Des pièces comme les Scarpette di Bea, petites chaussures en fil de cuivre, témoignent de cette intimité. Cette dimension personnelle se retrouve également dans « La conta » [Le décompte], un film en noir et blanc de trois minutes.
On y voit l’artiste, assise à la table de sa cuisine, plaçant de manière répétitive et lente des petits pois d'une boîte de conserve sur une assiette, les comptant au fur et à mesure. Sa fille se trouve dans la même pièce, renforçant le caractère intime de la scène.
Marisa Merz parvient à mêler les rôles de femme, de mère et d'artiste, intégrant ses préoccupations domestiques dans son processus créatif. Cette dualité se reflète également dans d’autres de ses œuvres, où les frontières entre l’art et la vie quotidienne s’effacent pour créer une expérience artistique personnelle et universelle.
Reconnaissance et héritage
Malgré la discrétion de Marisa Merz, son œuvre a été reconnue par de nombreuses institutions prestigieuses. Elle a reçu le Lion d'or à la Biennale de Venise en 2013 et a été célébrée par des rétrospectives au Centre Pompidou et au Metropolitan Museum of Art. Le catalogue de l'exposition du LaM, riche en essais et documents d'archives, retrace son beau parcours artistique et son influence.
Une exposition à ne pas manquer
"Écouter l'espace" au LaM offre donc une opportunité unique de découvrir ou redécouvrir l'œuvre de Marisa Merz, figure majeure de l'art contemporain.
L'exposition présente plus d'une centaine d’œuvres, rappelant le lien fondamental entre l’espace intérieur et le monde extérieur tout en témoignant de la richesse et de la profondeur de sa pratique artistique.
Marisa Merz nous invite à écouter l'espace, à percevoir la beauté dans la simplicité et à explorer les dimensions intimes et poétiques de la vie à travers l'art. Une expérience immersive et enrichissante qui célèbre la vie et l'œuvre d'une artiste.
-> Marisa Merz - Écouter l'espace - Ascoltare lo spazio
Jusqu'au 22 septembre 2024
Lam, 1 allée du Musée, 59650 Villeneuve d'Ascq.